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Ce que révèle le registre des cadeaux offerts aux députés : du champagne, des matchs de football et une « nuit au château »

En janvier, comme presque chaque année, Eric Woerth a reçu une douzaine de bouteilles de champagne Roederer brut. Valeur déclarée : 600 euros. L’offrande émane de l’Aga Khan – de son vrai nom Karim Al-Hussaini –, richissime homme d’affaires et chef des ismaéliens, un courant spirituel chiite.
Le député Renaissance de l’Oise n’a pas souhaité répondre aux questions du Monde sur les raisons de ce présent. Les liens entre les deux hommes sont pourtant connus : l’Aga Khan est venu au secours du domaine du château de Chantilly en 2005, lorsque Eric Woerth était maire de la ville et député ; le parlementaire était ministre du budget en 2008 lorsque Nicolas Sarkozy a exonéré d’impôts M. Al-Hussaini, comme l’a révélé Mediapart.
Rien n’interdit aux députés de recevoir des cadeaux de la part de personnalités, d’entreprises ou de gouvernements, qu’ils soient français ou étrangers, sauf si ces faveurs interviennent dans une entreprise de corruption. Depuis 2011, ils ont néanmoins l’obligation de déclarer au déontologue de l’Assemblée nationale les dons et invitations les plus substantiels (d’une valeur supérieure à 150 euros). Mais cet exercice de transparence reste encore imparfait, entre flou déontologique et négligence de certains parlementaires.
D’après le registre qui répertorie ces déclarations, en ligne depuis 2019, les députés de la majorité présidentielle sont, de très loin, les premiers destinataires de ces dons. Ils concentrent à eux seuls plus des deux tiers de la valeur des cadeaux déclarés au cours des cinq dernières années.
Dans bien des cas, ces dons témoignent des relations des députés et des entreprises de leur circonscription. David Habib (non-inscrit, Pyrénées-Atlantiques) a ainsi déclaré avoir reçu « une bouteille de champagne Roederer » d’une valeur supérieure à 150 euros de la part du fabricant de fibre de carbone Toray. L’ancien socialiste explique que l’entreprise est un important employeur de sa circonscription, qui a posé en décembre la première pierre d’une nouvelle ligne de production à Abidos.
« C’est à cette occasion, je pense, qu’ils m’ont fait ce cadeau », détaille David Habib, qui entend « partager cette bouteille avec le plus grand nombre ». Ce « député de la vieille époque », comme il se décrit, assume avoir travaillé depuis une vingtaine d’années avec le groupe Toray pour développer l’emploi local face à la concurrence étrangère.
La députée Elodie Jacquier-Laforge (MoDem, Isère), présidente de la délégation chargée de la transparence et des représentants d’intérêts, a quant à elle bénéficié en novembre d’un dîner d’une valeur de 200 euros payé par la liqueur Chartreuse « à l’occasion de l’inauguration du nouveau site culturel Chartreuse Paris-Vauvert ». Dès le lendemain, elle se disait « très heureuse » de cette soirée sur son site, invitant ses administrés à découvrir « l’histoire passionnante » de la boisson. Depuis son élection, l’élue préfère voir dans la liqueur verte un « savoir-faire exceptionnel » de son territoire, plutôt qu’un visage du lobby de l’alcool. Sollicitée, elle n’a pas donné suite.
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