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C’est une chorégraphie intime, inlassablement répétée, dans laquelle les gestes experts prennent des raccourcis et produisent, pour l’observateur, un spectacle fascinant. Chaque femme a une manière bien à elle de s’attacher les cheveux, manière qui emprunte autant au rituel qu’à la danse contemporaine. Car, pour qui n’est pas danseur professionnel, les cheveux sont la partie la plus malléable du corps, ce qu’il est le plus aisé de modifier et qui est chaque jour mis en scène selon des codes très précis ayant trait autant à l’époque, à la culture qu’au statut.
Dans la tradition occidentale, les cheveux lâchés sont rattachés au caractère supposément délié, indompté de la féminité. Eve, Marie-Madeleine et les figures de la luxure ont en commun leurs longs cheveux déployés, ceux-ci étant même parfois comparés à des filets destinés à prendre au piège l’âme des hommes.
Ainsi convient-il de dresser cette nature sauvage : couvrir ou bien peigner, nouer, architecturer, avec des agrafes, des crépines, des nœuds, des rubans, des postiches… Mais pas trop, selon les époques, certaines périodes historiques tel le Moyen Age affichant le rejet de la coiffure comme construction en ce qu’elle est preuve de vanité, voire pire : une pratique diabolique de dénaturation.
Quelle que soit son expression, la féminité fut longtemps présumée coupable. Voilà qui laisse entendre autrement le slogan d’une gamme de produits coiffants d’une marque française populaire dans les années 1990 : « Je fais ce que je veux avec mes cheveux. » Car, à la frontière entre le corps et la parure, le cheveu peut se transformer en matière subversive, obéir à l’ordre social ou ouvertement et intimement le contester – de la crête des punks à l’afro des Black Panthers.
L’histoire occidentale récente a glorifié le cheveu policé, lisse, inoffensif, dans lequel des mains (et les âmes fragiles) peuvent s’introduire sans rencontrer de piège ni d’obstacle – disqualifiant d’emblée les bouclées, frisées ou crépues qui, jusqu’à très récemment, ont été privées de produits, de coiffeurs ou d’accessoires adaptés.
La chevelure s’impose pourtant comme un élément déterminant de l’apparence. Combien de films et de téléfilms dans lesquels des scénaristes peu inspirés ont mis en scène la métamorphose presque magique d’une jeune femme banale devenue flamboyant objet de désir par le simple fait d’enlever ses lunettes et de détacher ses cheveux ? L’inverse est aussi vrai : en les coiffant en un élégant chignon, Julia Roberts passe dans Pretty Woman de prostituée à femme du monde.
Mais qui s’attache les cheveux le fait souvent pour qu’ils ne l’entravent pas. Il ou elle a mieux à faire que paraître ou séduire. Et cette chorégraphie intime devient alors le prélude à l’action. Les temps présents laissent le choix des armes. Pince en plastique, peigne en acétate ou chouchou en cuir… Du salon de coiffure au dîner mondain : chacun charrie son univers et une certaine façon de se mettre en scène. Même si le spectacle est parfois un peu tiré par les cheveux.
Diane Lisarelli
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